Une femme dans une cour d’immeuble. Etrangère. Impossible de lui donner un âge. On voit pourtant qu’autrefois elle a été belle.
Jour après jour, elle parle à sa voisine qui la regarde d’une des fenêtres du premier étage. Elle porte des seaux. Va et vient des seaux vides, des seaux pleins. Elle arrose ses fleurs.
Il y a la pie dans l’arbre. Il y a Micky, le chat.
A celle qui la regarde à la fenêtre, elle raconte sa longue marche. Redevient la jeune fille qui danse devant les hommes sur la place du village, l’épousée radieuse du jour de ses noces, la mère rieuse et tendre. Elle danse et le ciel s’écroule tout à coup. Fracas de la guerre. Apocalypse. Elle fuit, devient somnambule, et puis fantôme. Un fantôme qui marche. Sans cesse. Qui traverse les violences et les charniers, les villes détruites, les cris des mourants et des morts, le silence.   
Elle regarde les étoiles.
Dans la cour, au milieu des fleurs, elle entasse des sacs, sans répit. Tonnerre, foudre, pluie balaient le ciel d’orage. Elle invoque les dieux et les âmes des disparus.  
Il y a les étoiles. Elle les connaît. Elle leur parle.
Elle rit et danse. Elle rêve d’un champ de marguerites. Immense. Alors, à l’aube, elle dit adieu à la voisine, celle qui la regarde à la fenêtre. Et elle se met en route. Vers les étoiles.
Ursa Major, c’est la Grande Ourse.